
Depuis de nombreux mois, plusieurs versions de la fameuse « Super note » de Bart De Wever ont circulé, remettant en question des éléments clés pour les revenus des indépendants et dirigeants d’entreprise. Ce 31 janvier, les partis du nouveaux gouvernement Arizona ont enfin conclu un accord : le moment de se pencher sur ce qui attend les indépendants – en personne physique ou en société de management. Dans l’ensemble, les nouvelles sont plutôt bonnes, surtout par rapport à ce que de précédentes versions de la note prévoyaient. Sous réserve, toutefois, de voir comment ces intentions se traduiront en pratique. Voici un aperçu des mesures principales d’après les dernières informations.
VVPRbis : le régime des dividendes maintenu
D’après les précédentes versions de la « Super note » de De Wever, on s’attendait à ce que le gouvernement opère un sacré tour de vis dans le régime des VVPRbis en augmentant le précompte mobilier. Au final, il n’en est rien !
Pour rappel, ce régime permet aux actionnaires de distribuer des dividendes avec un précompte mobilier réduit : 30% l’année de constitution et la suivante, ensuite 20%, puis 15% à partir de la quatrième année (la troisième suivant l’année de la constitution).
Cela fait des VVPRbis un mode de rémunération attractif pour le dirigeant d’entreprise, avec un taux de taxation total de 32% sur les bénéfices de l’entreprise (20 % en impôt des sociétés, puis 15 % sur le solde restant).
Rien ne change donc – mais notons cependant que l’augmentation du salaire minimum des dirigeants réduira la part du bénéfice pouvant être dédiée aux VVPRbis.
Réserve de liquidation
La réserve de liquidation permet jusqu’à présent aux PME de bénéficier d’une taxation avantageuse.
Après l’impôt des société (20% si la société bénéficie d’un taux réduit), la PME peut placer une partie de son bénéfice net dans une réserve de liquidation moyennant une taxe anticipée (ou « cotisation distincte ») de 10%. Si le ou les actionnaires patientent au moins cinq ans, ils peuvent retirer ce fonds avec un précompte mobilier supplémentaire de 5%. Soit une taxation totale de 13,64%.
Désormais, l’accord de gouvernement prévoit de faire passer le précompte mobilier de 5% à 6,5% – soit une taxation totale de 15% au lieu de 13,64%. Cependant, le délai d’attente est réduit de cinq ans à trois ans : l’entrepreneur peut donc accéder plus rapidement à ces fonds.
Mais quel avantage pour la réserve de liquidation, si la taxation totale (15%) est identique à celle des VVPRbis? Plus aucun ! Constituer une réserve de liquidation est même à déconseillé puisque dans ce scénario, l’impôt est prépayé.
La réserve de liquidation reste intéressante dans un seul cas : lorsque l’objectif est bien de liquider la société à court ou moyen terme : dans ce cas, les montants accumulés en réserve de liquidation (après la cotisation distincte de 10%) peuvent être distribués sans payer de précompte mobilier supplémentaire.
En résumé :
- Pour une distribution classique après 3 ans, la réserve de liquidation et le régime VVPRbis sont désormais équivalents (15 % de taxation totale).
- Si on liquide la société, la réserve de liquidation est plus avantageuse.
Salaire net et salaire minimum
Le nouveau gouvernement prévoit d’augmenter le seuil de salaire minimum des dirigeants de 45.000€ à 50.000€ pour continuer de bénéficier du taux d’imposition à l’ISOC réduit sur les premiers 100.000€ de revenus générés. Ce montant sera par ailleurs indexé chaque année.
Toutefois, une autre mesure liée au salaire s’annoncent avantageuses pour tous les contribuables soumis à l’IPP : une hausse de la quotité exemptée et une réduction des cotisations sociales devraient en effet augmenter les salaires nets à revenu brut équivalent.
Cinquième période de versements anticipés (V.A.) pour indépendants en personne physique
Une cinquième période de versements anticipés sera introduite pour les indépendants en personne physique, avec une échéance au 20 février de l’année d’imposition.
L’objectif ? Actuellement, si votre exercice fiscal se clôture au 31/12, vous devez estimer votre bénéfice comptable pour effectuer vos derniers versements anticipés au 20/12. Désormais, avec cette nouvelle échéance, vous pourrez ajuster vos V.A. sur base de votre bénéfice réel plutôt qu’estimé.
Pour les sociétés, la note reste floue : nous espérons que la mesure soit étendue aux personnes morales.
Taxation sur les plus-values
C’est l’un des points qui fait grand bruit parmi les investisseurs depuis l’accord de gouvernement : une taxe de 10 % sur les plus-values financières, y compris les crypto-actifs, avec une exonération de 10.000 €.
Mais les investissements boursiers ne seront pas les seuls concernés : la revente d’une entreprise avec plus-value sera également imposée. Toutefois, les entrepreneurs cédant leur société pourraient bénéficier de modalités spécifiques, sous certaines conditions encore floues. Les versions francophone et néerlandophone de la note divergent sur ce point, laissant planer des incertitudes. L’objectif semble néanmoins clair : taxer davantage les plus-values boursières que celles issues de la vente d’entreprises.
Fiscalité des véhicules
La grande saga de la fiscalité des véhicules continue – sans bouleversement majeur toutefois. La voiture électrique continue d’être encouragée à la même hauteur, avec une déduction des frais de 100%.
La déduction des frais liés aux hybrides sera quant à elle maintenue à 75 % jusqu’à fin 2027, puis diminuera progressivement à 65 % en 2028 et 57,5 % en 2029.
La déduction des frais de la voiture thermique sera uniformisée pour réduire la charge administrative, et ne dépendra plus des émissions spécifiques à votre voiture.
Régime de pension plus attractif pour les indépendants
Les indépendants exerçant en activité complémentaire pourront désormais cotiser via la PLCI, une possibilité qui leur était jusqu’ici interdite.
Par ailleurs, les régimes de pension du deuxième pilier (PLCI, EIP, CPTI) seront harmonisés afin de simplifier le système. À partir de 2025, le taux maximal de cotisation à la PLCI passera de 8,17 % à 8,5 %, visant à encourager davantage l’épargne-pension.
L’harmonisation concernera également la pension en fonction des différents statuts, en alignant progressivement les régimes de pension des indépendants, employés et fonctionnaires. L’objectif est de fixer un âge de départ commun et d’appliquer les mêmes règles de bonus et malus.
Ce qui est prévu :
- Réduction de la pension en cas de départ anticipé (-2 % à -5 % par an).
- Bonus en cas de départ retardé (+2 % à +5 % par an).
- Prise en compte des congés parentaux et des interruptions de carrière pour motifs de soins.
Cependant, cette réforme s’annonce délicate, les fonctionnaires risquant d’être fortement désavantagés par rapport à la situation actuelle : elle risque donc de rencontrer une forte résistance. Reste à voir quelles mesures seront effectivement adoptées.
Nouvelle déduction forfaitaire pour l’indépendant en personne physique
Afin de rendre le statut plus attractif, le gouvernement entend diminuer la base imposable des indépendants. Ainsi, en plus des déductions existantes (frais réels, cotisations sociales, éventuelles pertes fiscales), l’indépendant pourra aussi compter sur une déduction forfaitaire afin de réduire sa base imposable.
Régime des droits d’auteurs élargi aux métiers du numérique
Ces dernières années, le régime des droits d’auteurs a fait l’objet de plusieurs remaniements ; notamment l’exclusion des métiers du numérique. Le nouveau gouvernement fait donc marche arrière en proposant de rendre ces revenus à nouveau éligibles au régime des droits d’auteurs.
Cependant, les modalités exacte, comme le taux de taxation, sont encore inconnues.
Conclusion
Cet accord de gouvernement apporte plusieurs ajustements fiscaux et sociaux qui impactent directement les indépendants, qu’ils exercent en personne physique ou en société. La majorité des mesures, comme le maintien du régime VVPRbis, l’augmentation du salaire net ou encore l’ajustement du régime des pensions sont favorables.
Toutefois, d’autres décisions, notamment l’augmentation du précompte sur les réserves de liquidation, la taxation des plus-values financières ou la hausse de la rémunération minimale des dirigeants, pourraient représenter des contraintes supplémentaires.
Enfin, certaines mesures – comme la déduction forfaitaire supplémentaire ou les modifications apportées au niveau de la PLCI – renforcent l’intérêt du statut d’indépendant.
Comme toujours, l’application concrète de ces réformes dépendra des textes définitifs et de leur mise en œuvre pratique et modalités d’exécution. Nous continuerons à suivre ces changements et à vous tenir informés des précisions à venir.